Pour une assemblée nationale des quartiers

Actrices et acteurs des quartiers populaires depuis des décennies, nous avons constitué des Comités de luttes, des Collectifs, des Associations dans divers domaines (politique, culturel, social, économique, sportif…), et nous nous sommes mobilisés pour la justice et l’égalité, pour ne pas rester les bras croisés face à la déchéance programmée de nos cités.

Nous sommes des acteurs politiques indépendants, même si nous sommes clandestinisés par les machines politiques qui commandent aux destinées de chacun-e d’entre nous.

Issus d’une longue tradition d’engagement qui fait honneur à nos villes et à l’histoire des mouvements sociaux, nous voulons transmettre ce patrimoine de luttes à toutes et tous, et en particulier aux jeunes générations, souvent dégoûtées de la politique.

Pour que la jeunesse des quartiers populaires, stigmatisée, discriminée, désignée coupable de tout, ne baisse pas les bras. Pour qu’elle poursuive le combat et continue à porter haut le flambeau des « cités maudites ».

Puisque les institutions républicaines ont déclaré forfait, puisque les valeurs inscrites au fronton des monuments publics sont le plus souvent détournées pour servir d’instruments à une distinction entre citoyens de plein droit et citoyens de seconde zone, quand la police tue et que la balance de la justice penche toujours du même côté, alors nos quartiers se détournent de la République.

Pourtant, des Révoltes des Minguettes (1981) à Vaulx en Vélin (1990), Mantes la Jolie (1991), Sartrouville (1991), Toulouse (1998), Dammaries-les-Lys (1997), Clichy sous-bois (2005), à Nanterre cette année, le message est clair :

ASSEZ DES VIOLENCES ET DE L’IMPUNITÉ POLICIÈRE,
ASSEZ DES ÉCOLES AU RABAIS, ASSEZ DU CHÔMAGE PROGRAMMÉ ET DES BOULOTS PRÉCAIRES, ASSEZ DES LOGEMENTS POURRIS, ASSEZ DE LA PRISON, ASSEZ DE LA HAGRA ET DES HUMILIATIONS !

On finit par s’habituer aux souffrances silencieuses de millions d’hommes et de femmes qui subissent des violences sociales bien plus dévastatrices que des voitures qui brûlent?
Pour nous, il est légitime de se révolter face à cet ordre injuste.

Parce que nous refusons de déléguer notre pouvoir à ceux qui ne nous représentent pas, nous appelons à la création d’une Assemblée Nationale des Quartiers qui sera un espace d’affirmation à la fois politique, sociale et culturelle.
Elle s’appuiera sur notre expérience vécue, sur l’histoire et la mémoire de nos quartiers ! Un espace de réflexion et de convergence des luttes locales et transversales auxquelles, toutes et tous ensemble pouvons donner une visibilité nationale.

Nos quartiers ont une histoire, nos quartiers ont de la mémoire, nos quartiers sont riches de nos luttes, révoltes et engagements.
Nous avons beaucoup à dire des discriminations raciales, sociales, de l’islamophobie, de l’histoire coloniale et de ses conséquences, mais nous refusons d’être cantonnés au statut de victimes.

Nous avons aussi notre mot à dire sur la santé, l’éducation, le travail, le libéralisme, le sexisme, le climat et l’environnement, les rapports Nord-Sud, les combats pour la liberté, la justice et l’égalité.

L’enjeu est d’initier une présence comme actrices et acteurs politiques à part entière et de faire entendre enfin nos propres voix !
L’avenir de nos quartiers dépend de nous, de vous.

Nous appelons toutes celles et ceux pour qui la question des quartiers est une priorité incontournable à prendre leur place au sein du comité d’organisation de l’Assemblée Nationale des Quartiers, qui sera un rendez-vous pour celles et ceux qui veulent construire une force politique autonome et une parole collective issue des quartiers et des bannis de la République.

Septembre 2023

Premiers signataires : Hamza Aarab, Salah Amokrane, Yamina Aissa Abdi, Rachid Amghar, Samir Abdalla, Mina Asli, Youcef Brakni, Ahmed Boubeker, Tarek Kawtari, Zouina Meddour, Céline Beaury, Samir Elyes, Samir Hadj Belgacem, Kader Lahmar, Nabil Tazibte, Landry Ministre, Omar Slaouti, José Reynès, Lilya Ennadre, Mokrane Kessi, Amele Lakhouache, Cherif Cherfi, Mohamed Mechmache, Ali Rahni

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Photo : DR